Jesus - Eik /-/ Notre Dame aux Bois | |
Un dimanche à …Notre-Dame au Bois…Jezus-Eik…("Jezu-keseik" "Jesukens-Eik")
Par un curieux hasard de traduction, ce hameau a gardé dans ses deux noms chacun des éléments de ses origines : le chêne ("Eik") et Notre-Dame…éléments complémentaires et indissociables, inconsciente interaction de nos deux langues!
Une chronique teintée de légende…et d'histoire
Dans la vaste et sombre forêt de Soignes s'élève un imposant chêne millénaire : "le chêne du diable"…
En un temps lointain de la christianisation primitive, le vieux témoin des dévotions celtes fut probablement "diabolisé" par quelque prêcheur fanatique qui s'empressa d'y accrocher un crucifix…
Et les siècles passèrent…
S'ouvre le 17ième siècle … les quelques voyageurs et marchands qui traversent la forêt joignant "Oudergem" à "Overijsche" se signent hâtivement…
Maintes fois, le chêne du diable, malgré sa divine protection, a attiré la foudre; néanmoins il ne faiblit pas ni ne se consume… mais la croix de Jésus devient de plus en plus fragile…
C'est alors, qu'en 1632, Petrus Vandenkerckhoven, brave marchand bruxellois, se propose de trouver une jolie statue de Notre-Dame pour exorciser de toute crainte notre diabolique chêne…mais la statue est si jolie que la petite fille de Petrus en fait sa poupée favorite et refuse de la rendre à son père.
En 1635, la peste fait des ravages. Sentant sa mort proche, Petrus prie ses enfants d'accomplir son vœu ; ils doivent placer la statue dans le chêne et l'offrir à la dévotion de tous les passants… Malgré les pleurs de sa sœur, c'est finalement Philippus, le fils du marchand qui, selon la chronique, fait pendre une petite chapelle en bois au cœur du vieux chêne….
Et la foi des braves gens y fait naître tant de merveilles et de miracles qu'il devient bien vite un haut lieu de pèlerinage …
Les deux paroisses d'Overyse et de Tervuren se disputent très rapidement ce lieu prospère…Mais l'archevêque décide de les ignorer toutes deux et d'en donner la gestion à l'abbaye norbertine du Parc d' Heverlee, fondée au 13ième siècle.( un Norbertin y officia jusqu'en 2002)
A partir de 1642, à côté du chêne, le Recteur Benedictus Piccaert fait ériger une chapelle qui devient rapidement trop petite…
Tant de guérisons s'y produisent qu'il faut discipliner quelque peu l'enthousiasme des pèlerins : chacun voulant ramener un petit morceau de l'arbre miraculeux, il devenait urgent d'agir…
On décide de scier le chêne qui menace de tomber et de construire sur les restes du tronc et des racines, une plus grande chapelle.
En 1648, le gouverneur des Pays-Bas, donne l'autorisation aux Norbertins de construire une église en pierres et octroie le domaine…
Le 20 avril 1650, l'archiduc Léopold-Guillaume, cousin de Philippe IV, roi d'Espagne, pose la première pierre. L'édifice est conçu par l'architecte de la Cour, Jacques Francquart, en style baroque mais il sera modifié avec le temps.
Sa construction s'élève en plusieurs étapes, les guerres la ralentissent…enfin, en 1672, on place le fameux pavement en damier noir et blanc qu'on y remarque toujours.
Les pèlerins ont été généreux : il y a un surplus de pierres!
Or, l'officiant norbertin est souvent inquiet de demeurer seul la nuit dans cette profonde forêt. Il a demandé, afin de passer en toute sécurité d'un bâtiment à l'autre, qu'on construise un petit presbytère "accolé"* à la chapelle(* ceci est unique en Belgique).
Et le "petit presbytère" devient, grâce à l'abondance des matériaux, un beau bâtiment à deux étages …celui-ci ainsi que le chœur de l'église et la sacristie sont de remarquables exemples de style "Renaissance brabançonne".
De nombreux ex-voto sont offerts (dont les peintures intégrées dans les panneaux de bois des murs actuels) ; ils rappellent les miracles et les grâces obtenues pour des guérisons humaines et/ou animales…
Il semble unique, en Belgique, que les ex-voto soient des portraits et peintures à l'huile
; d'autres formes d'ex-voto (en métal, cire…)tapissaient aussi les murs de l'église (avant sa dernière restauration), certains se retrouvent sous l'autel latéral de droite.
En 1700, la "chapelle" devient "église paroissiale"(acquiert plus de droits qu'une chapelle notamment pour qu'on puisse y célébrer certains sacrements et y avoir des cloches!)
Plusieurs fois modifiée et restaurée,elle a retrouvé sa façade du 17ième siècle ( après l'effondrement de la façade néo-gothique le 23 janvier 1969…façade qui avait été "classée" mais sera reconstruite suivant une iconographie du 17ième s.!).
Elle enferme toujours sous son autel les restes du chêne diabolique !
Les vitraux racontent à leur façon une grande part de l'histoire d'un lieu où les plus grands comme les plus humbles sont venus prier.
Au-dessus de l'autel central baroque, se trouve une jolie statue de la Vierge.
Mais ce n'est pas la Vierge primitive :
le modeste abri et la "Notre-Dame" de Petrus Vandenkerckhoven sont conservés dans le "trésor" de l'église; nous avons eu le privilège de les voir en ce dimanche 24 janvier 2010.
On peut dire aujourd'hui que, même si les pèlerinages ne s'y déroulent plus, il y a toujours affluence à Notre-Dame-au-Bois…les Bruxellois avaient l'habitude aux siècles passés de s'y promener et, avec gourmandise, d'y consommer une Krieklambiek et une tartine au "plattekeis met radys"…! Actuellement, les restaurants n'y manquent certes pas…et les amateurs de randonnées forestières et de…fromage blanc … s'y retrouvent toujours …
Le MERA n'a pas dérogé à la Tradition … nous y avons joyeusement "célébré" la première rencontre de l'année 2010!(voir photos)
Le MERA remercie vivement Monsieur Freddy Goossens qui nous a non seulement accueillis dans "son" église mais nous a aussi donné accès à la sacristie et au presbytère. Il nous a présenté l'authentique statue de la Vierge du 17ième s. , plusieurs fois volée, retrouvée et… désormais conservée avec les Archives et le "Livre des Miracles" dans la chambre forte du bâtiment.
Tous nos remerciements s'adressent également à Ronny Mattelaer qui nous a guidés avec professionnalisme et enthousiasme durant cette visite… traversant pour nous et avec nous les siècles de la mémoire…
Texte C.DETRY
Photos S.LAMBAY